Critique : La vie d'Adèle
Ce documentaire sur les problèmes du cinéma français est passionnant. Non je blague, ce n'est pas une parodie d'adaptation ratée de bande dessinée, par un réalisateur mégalomane. Non c'est bien sérieux, ce film est vraiment au premier degré.
Ce film est donc l'exemple même de pourquoi le cinéma français est une honte, même quand il semble avoir tant de succès, couronné à Cannes et tout le tralala. En commençant par le tournage, qui a fait scandale pour les conditions de travail des techniciens et intermittents, invités à bosser gratos, sous prétexte que bon travailler sur un film de Kechiche ça fait bien sur le CV. Une rengaine que les graphistes et autres illustrateurs connaissent bien : « faites-moi mon logo et en échange ça vous fera de la pub ». Ben voyons. Il ne faut pas s'étonner ensuite que Kechiche fasse partie d'une tripotée de salopards qui s'opposent à une convention collective pour les techniciens du cinéma leur offrant de meilleures conditions de travail. Pour un réalisateur qui explique adorer parler des rapports de classe dans ses films, il faut dire qu'il connaît bien le sujet !
Mais passons la polémique, parlons du film. D'abord commençons par l'histoire, adaptée d'une bande dessinée magnifique (Le bleu est une couleur chaude). Mais si vous avez aimé la BD oubliez-là tout de suite : Kechiche ne l'a pas lue et s'est torché les fesses avec. Il ne l'a tellement pas aimée qu'il a refusé de discuter avec son auteure (Julia Maroh) après avoir obtenu les droits d'adaptation. Et le résultat est visible : la BD est intelligente, fine, touchante. Le film est lourd, sans délicatesse et cliché.
Le scénario, s'il y en a vraiment un, est écrit et découpé n'importe comment. Les dialogues sont à pleurer tellement ils sont horribles. Les personnages sont des clichés terribles. Emma a une famille riche, libérée, qui mange des huitres et boit du vin, accepte la relation homosexuelle de leur fille. Adèle a une famille modeste, qui pense que peintre n'est pas un métier sérieux, mange des spaghettis bolognese, et attendent de leur fille qu'elle soit normale. Les discussions lors des repas chez les deux familles sont à la limite de la parodie, on dirait que ça a été recopié dans un recueil des pontifs. Même une fan-fiction Twilight est mieux écrite.
Le scénar est simplement illogique : les personnages apparaissent n'importe comment, n'importe quand. D'un coup d'un seul Adèle a un meilleur ami (gay, forcément), qu'on n'avait jamais vu avant, mais c'est pas grave, car après dix minutes de présence dans le film on n'en entendra plus parler. Idem avec tous les autres personnages secondaires. Les familles d'Emma et Adèle ? Après les repas, elles disparaissent. Les potes d'Adèle, ouvertement homophobes ? À la trappe. Le mec avec qui Adèle trompe Emma ? On ne le verra plus jamais après qu'Emma ait quitté Adèle, alors qu'il bossait avec Adèle tous les jours à l'école ! Ce n'est plus un film, c'est un numéro de magicien sérieux ! C'est comme ça pour tous les personnages : ils sont introduits n'importe comment à l'arrache en deux-trois lignes de dialogues et disparaissent juste après. Même dans Street Fighter 2 les personnages apparaissent plus longtemps et ont une psychologie plus évoluée.
Le film repose donc sur ses deux principales interprètes, Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux. Adèle joue plutôt bien franchement, c'est une belle surprise, elle porte un peu le film sur ses épaules d'ailleurs, parce que sans elle je n'aurais pas tenu jusqu'au bout des 3 heures (oui oui !). Léa Seydoux par contre… Ils auraient pris une truite que ça n'aurait pas changé grand chose. Évidemment son rôle dans le scénario est bâclé, pour ne pas dire carrément charcuté, et même caricaturé, ce qui n'aide pas à développer une quelconque profondeur au personnage. Mais même sans ça, elle est inexpressive et à côté de la plaque dans la moitié des scènes. Du coup on ne croit pas un moment à l'histoire amoureuse entre les deux filles. La relation paraît toujours fausse. En même temps je veux dire elles passent de l'étape « on discute dans l'herbe et on s'embrasse » à « on baise violemment » en deux secondes (je ne mens pas). Car à chaque fois (sauf une) qu'Adèle embrasse quelqu'un dans ce film c'est suivi tout de suite par une scène de sexe. Ben oui, c'est complètement logique voyons !
J'en arrive donc au principal point polémique du film, les scènes de sexe. Oui car il y en a pas mal, elles sont assez explicites et longues. J'ai compté pour vous, il y a en tout 16 minutes de scènes de sexe à l'écran. La plus longue fait quand même sept minutes non-stop, et je peux dire que sept minutes de faux sexe lesbien tel qu'imaginé par un quinqua qui n'a aucune idée de la sexualité des lesbiennes, c'est long, très long. Ces scènes n'ont même pas un intérêt masturbatoire, ce n'est pas même excitant pour un mec, c'est juste du pur ennui. Alors la question pourquoi ces foutues scènes, comme si c'était le truc le plus important à mettre dans ce film ? Non, elles ne servent à rien, elles n'apportent rien aux personnages, à l'intrigue, à l'ambiance. Elles sont juste chiantes. Je suspecte qu'elles n'existent que pour faire parler du film, ce qui est réussi. Et encore, je m'estime heureux, car la plus longue scène fait sept minutes, mais il a fallut dix jours pour la tourner, et là je pense aux pauvres comédiennes obligées de refaire sans cesse cette scène pendant dix jours. Mais quelle horreur, sérieusement. On pourrait aussi parler longuement de comment elles sont filmées, c'est à dire mal, au point que même un porno est mieux foutu. Ensuite on est dans le fantasme masculin le plus total : alors qu'Adèle, personnage plutôt réservé, couche avec Emma pour la première fois, elle se comporte déjà comme une pornstar qui mangerait de la foufoune au petit déjeuner depuis quinze ans. Sérieusement.
Je pense que la sexualité du film (et la vision de la sexualité féminine par le réalisateur) est à l'image de l'intello à la con qui existe dans une scène du film et qui je pense est l'incarnation du réalisateur (quand je vous disais qu'il était mégalo) et qui raconte sans se démonter, avec tout le monde qui l'écoute religieusement : « moi à chaque fois que j'ai pu coucher avec une femme j'ai pu observer quelque chose qui (...) parlait dans un au-delà, en dehors de son corps (...) je suis persuadé que l'orgasme féminin est mystique (...) on le voit dans les yeux, vous [les femmes] avez des yeux qui regardent dans l'au-delà ». Oui, les femmes ces êtres mystiques, qui viennent de Vénus, incompréhensibles, si mystérieuses, et qui hurlent dans les bois les nuits de pleine lune. Voilà l'idée de la femme selon le film. Et ça se voit, et franchement c'est à pleurer pour un film qui parle de relations homosexuelles, c'est d'une pauvreté intellectuelle sans nom.
Et justement pourtant le film essaye de se targuer d'être intelligent, ou en tout cas intello. Et cela à travers un nombre de dialogues et scènes complètement chiantes où les personnages parlent de littérature, de philosophie, d'art et de choucroute alsacienne. Ah nan pas la choucroute pardon. Et à chaque fois, ces dialogues sont d'une pauvreté intellectuelle crasse, d'un ennui profond, d'une fausseté et d'un caricatural. Ça se voit tellement que Kechiche essaye de se la péter intello, mais ça tombe à plat comme une vieille crêpe recouverte de choucroute, parce que d'abord on s'en fout complètement, ensuite que ça n'a rien à voir avec le film et enfin que c'est n'importe quoi. Placer des références et citations de Marivaux, Sartre ou Klimt ne vous rend pas intelligent ou ne vous donne pas l'air intelligent, ils vous donne l'air d'un crétin qui veut se la péter. Je ne parle même pas de la visite d'Emma et Adèle au musée d'art où nous n'aurons droit qu'à des gros plans sur les culs des statues. Classe, on se croirait presque dans un Batman de Joel Schumacher : statues grecques et gros plans sur les fesses. Pas vraiment un film intello…
Et justement les pires scènes pseudo-intello sont ces horribles scènes de cours de français et de littérature. Qui sont tellement réalistes qu'on s'y ennuie autant qu'au vrai lycée. Ah donc un bon point pour le réalisme là ?
On en vient au réalisme et à la crédibilité du film. On vous le dira, pour que le public se passionne pour votre film, il faut qu'il soit un minimum crédible et cohérent dans son univers. Ce qui n'est pas le cas ici, et certains détails sont à pleurer. Au début du film Adèle est dans le bus avec son copain, et celui-ci lui dit « temps de merde aujourd'hui », et celle-ci répond « ouais t'as vu c'est fou ». Déjà bon le dialogue OK. Mais ensuite heu il ne pleut même pas, il ne fait pas moche, c'est n'importe quoi, au moins faites genre qu'il a plut, mettez de l'eau par terre ou des gouttes d'eau sur les vitres du bus ! Et je passe sur le fait que pendant tout le reste du film il fera soleil. À Lille. On y croit tous. Et aucun personnage n'a de téléphone portable dans ce film (sauf Emma), tout le monde s'appelle sur la ligne fixe de ses parents et laisse des messages sur des répondeurs à cassette. Ce qui est complètement anachronique avec le fait qu'Adèle chante et danse sur une musique de 2011 pour l'anniversaire des ses 18 ans.
Je mentionne au passage la musique mais rapidement car il n'y en a pas, seulement quelques fonds sonores (en boîte, dans les bars, etc.), rien de passionnant.
On en arrive enfin à l'horrible montage du film. Le film est long, lent, on a vraiment l'impression de jouer à un jeu vidéo bloqué à 0,5 FPS. C'est leeeennntt, on se fait chier sérieux. Il y a de nombreux plans qui ne servent à rien et durent juste pour faire durer. Mention spéciale sur les plans (fixes) sur Adèle (le plus souvent à poil, enfin sans poils) en train de dormir. Pendant 10 ou 20 secondes. Ah. Bon. Moi je vais pisser je reviens alors. Les plans fixes au passage ne sont jamais vraiment fixes, la caméra devait être tenue par un ancien opérateur de marteau-piqueur parce que ça tremble sec, c'est carrément désagréable à regarder. Peut-être que Kechiche ne sait pas ce qu'est un trépied ?
Tout cela est peut-être dû à un problème de budget ? Non parce que bon à deux reprises dans le film il y a des élipses temporelles de trois ans et personne n'a jugé utile de payer un sous-titre indiquant "trois ans plus tard". Bon on s'en aperçoit, parce que la scène d'avant Emma et Adèle couchent ensemble chez les parents d'Adèle après qu'elle ait eu 18 ans, et la scène suivante elle est devenue institutrice. Alors bon je sais bien qu'on embauche n'importe qui à l'éducation nationale (surtout comme ministre en fait), mais bon quand même.
Le film fait trois heures, et il y avait peut-être assez de matériel pour faire un film potable d'une heure et demie, le reste c'est du remplissage creux, vide, sans intérêt. Mais même si le film avait eu une version courte ça ne change rien au fait que la plupart des scènes sont filmées sans talent, sans recherche, sans intérêt pour le sujet, et sont d'un ennui total. Il ne se passe rien. Jamais. Même le « dénouement » final est creux. Creux et mauvais. Alors que la fin dans la BD de Julia vous fait pleurer, à on tombe sur une fin à la con qui vous fait vous demander pourquoi vous avez regardé ce putain de film en premier lieu. Mais rendez-moi ces trois heures de ma vie que vous m'avez volé pour les remplir avec du rien !
Et le pire ? C'est que Kechiche voudrait faire une nouvelle version plus longue de 40 minutes. Mais qu'est-ce que tu va bien pouvoir foutre dans 40 minutes de film en plus si tu n'avais déjà pas assez pour remplir un film de 90 minutes ? Des plans fixes tremblotants sur le cul d'Adèle ? L'intégrale d'un cours de philosophie de terminale ? Mais ce n'est pas fini, le film s'intitule « La vie d'Adèle chapitre 1 et 2 », ça veut dire qu'il prévoit de faire d'autres chapitres ? Mais comment ? Même une tarentule écrasée présente plus de suspense, de dialogues intéressants et d'intensité dramatique que tout ce film ! Au secours empêchez ce mec de faire des films.
Alors que dire de plus ? Un film long, ennuyeux, creux, mal écrit, mal filmé, pseudo-intello, carrément mégalo, avec du cul pour faire scandale et faire oublier l'abîme intellectuelle que représente le reste du film, des équipes mal ou pas payées, des conditions de tournage abominables mais c'est pas grave « c'est pour l'art et ça fera bien sur le CV ». Mais mais, mais oui, c'est bien un film français ! Un très bel exemple-type du pire que peut produire le cinéma hexagonal. Et on se demande encore pourquoi personne ne va voir des films français… Mais même Uwe Boll fait de meilleurs films, c'est dire !
Maintenant après avoir vu ce « truc » je vous invite à lire les critiques de la presse : 4,6 sur 5 sur Allociné. « C'est ça le grand cinéma » selon Télérama. Rassurez-moi ils parlaient de la taille de la salle de projection là ? « Intense, haletant, frappe par sa richesse et la subtilité des thèmes » mais mais mais même une grenouille sous un 38 tonnes est un thème plus subtile que n'importe lesquels du film ! Je ne vois qu'une possibilité : ces journalistes ont laissé leur cerveau d'huitre dans le repas des parents d'Emma.