Meeting Égalité LGBT 2012
Ce samedi 31 mars 2012 était organisé par les associations et coordinations françaises des associations et centres LGBT un meeting pour l'égalité des droits LGBT dans le cadre de la campagne présidentielle et législative (qu'on tends à oublier). Le but était d'interpeller les candidats et partis sur leur programme en faveur (ou non) de l'égalité des droits LGBT et notamment l'accès au mariage républicain, à l'adoption, à la procréation médicalement assistée, l'amélioration des soins pour les malades du SIDA, et la possibilité de choisir son identité sexuelle civile sans devoir passer par un acte chirurgical, un psy ou la justice.
Forcément un peu électoraliste vu le thème (il faut voter, c'est un devoir républicain et gna-gna-gna, propos un peu énervant quand on défend le droit à l'abstention comme moi), la soirée était quand même relativement intéressante et montrait sans détour le gouffre béant entre les partis politiques et leur vision de la politique et de la société en général.
Lors de cette soirée étaient présents une représentante du MODEM, Fadila Mehal, un représentant de l'UMP, Geoffroy Didier (conseiller de Brice Hortefeux), et une représentante du PS, Najat Vallaud-Belkacem (porte-parole de François Hollande). Les verts étaient directement représentés par Eva Joly, et le Front de Gauche par Jean-Luc Mélenchon. Aucune trace du parti de Nicolas Dupont-Aignant, du NPA, de Lutte Ouvrière ou de Jacques Cheminade. Enfin le Front National n'a pas été convié vu ses prises de positions plutôt habituelles et officielles sur le sujet...
MODEM : Fadila Mehal
Le contrat d'union : nous souhaitons que les droits seraient similaires que ceux du mariage, contractés dans les même conditions. (...) C'est une étape et demain nous serons peut-être à vos côtés pour la plénitude que vous demandez, je sais que le droit au mariage est quelque chose de très important et de fondamental, auquel personnellement je souscrit.
Nous sommes favorables à la reconnaissance juridiques des enfants conçus notamment à l'étranger dans le cas de la gestation pour autrui.
Pour les personnes trans-genre, François Bayrou estime normal de faciliter le changement du lien de l'état civil.
Pour l'homoparentalité, les enfants élevés par les couples homosexuels doivent être reconnus et notamment le lien parental avec le deuxième parent. Parce que c'est une chose essentielle que le droit de l'enfant soit reconnu.
(...)
[sur le mariage homosexuel :] Je crois en effet que la société française est prête, s'agissant de François Bayrou (...) vous savez que c'est quelqu'un de très croyant (...) et il disait que la tolérance doit être des deux côtés. Il considérait en effet qu'aujourd'hui le mariage, dans sa connotation à la fois spirituelle et sacrée pour certaines populations, et qu'il fallait laisser un peu de temps.
Je pense que la disposition que nous prenons de cette union civile adossée à des droits similaires peut être une étape importante aujourd'hui pour arriver en effet au mariage tel que nous le souhaitons tous.
Parti Socialiste : Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole de François Hollande
[La représentante mentionne la présence dans la salle d'autres élus socialistes : la maire de Montpellier, Hélène Mandroux, la maire du 4ème arrondissement de Paris, Dominique Bertinotti, et les députés George Pau-Langevin et Patrick Bloche. Puis reprends le programme du PS en rappelant que François Hollande a été le premier signataire de ces propositions en faveur des droits LGBT. Mention de l'engagement numéro 31 du programme du PS en faveur de l'égalité des droits LGBT.]
Ce que disent les journalistes quand ils m'interrogent sur ces sujets : « Mais quand même qu'est-ce que ça induit pour la famille ? Est-ce que vous allez inventer une nouvelle forme de famille qui viendrait menacer je ne sais quel ordre établi ? » Non, pas du tout. Il s'agit simplement de reconnaître les familles qui existent déjà, de leur simplifier la vie, de les protéger, pour toutes les familles. C'est aussi simple que ça.
(...)
Ce qui devrait changer c'est que l'État doit arrêter d'être un obstacle, il doit devenir une solution pour que les gens puissent vivre leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. L'État doit devenir une solution, doit les aider, et non pas les empêcher.
(...)
[sur le don du sang] Il faudra redire s'il en est besoin qu'il n'y a pas de population à risque, qu'il n'y a que des pratiques à risque. C'est quand même extraordinaire d'entendre encore ce genre de propos aujourd'hui. [applaudissements]
UMP : Geoffroy Didier, conseiller de Brice Hortefeux
Je trouvais qu'il était important qu'un représentant de Nicolas Sarkozy soit là, ce soir, parmi vous, malgré les incompréhensions qu'il peut y avoir [huées du public], malgré ce que je pourrais qualifier de malentendus [huées]. (...)
Je veux juste vous faire partager ce qui est, selon moi, la philosophie d'action du candidat Nicolas Sarkozy. D'abord, pour lui, les homosexuels sont des citoyens comme les autres [huées, cris "ouais pour les impôts !"]. Je vous dis ce que ressens, ce que pense, ce que déclare et ce que défends Nicolas Sarkozy : pour lui les homosexuels sont des citoyens comme les autres. Et l'identité sexuelle fait partie d'une identité plus complète, et ça fait partie de l'intime pour lui, ça fait partie de soi, ça fait partie de sa nature. (...) Je ne veux pas qu'il y ait ce soir d'amalgame, je ne veux pas qu'il y ait de caricature : Nicolas Sarkozy respecte éminemment l'orientation sexuelle de chacun. Il respecte les homosexuels autant que les hétérosexuels, il ne fait aucun jugement de valeur. Et je précise pour répondre à ce que j'ai entendu dans la salle que nous condamnons avec la plus grande fermeté les propos de Christian Vanneste et de Brigitte Barèges. Christian Vanneste a été exclu de l'UMP ! (...)
Nicolas Sarkozy ne considère pas non plus les communautés homosexuelles comme un électorat à part, comme un marché électoraliste. Pour lui il n'y a aucune stratégie électorale. (...)
Pour Nicolas Sarkozy nous vivons dans une société où l'équilibre et la cohésion est fragile. Et son souci est de trouver un juste milieu pour que personne ne soit blessé, pour que personne ne soit exclu, et que le respect des traditions s'aligne aux mouvements sociétaux actuels. Voilà la philosophie d'action de Nicolas Sarkozy.
Alors oui c'est vrai Nicolas Sarkozy c'est pas favorable au mariage des personnes du même sexe. Et non pas parce qu'il nie l'amour que chacun puisse se porter mais que selon lui le mariage entre un homme et une femme n'est pas seulement un contrat mais c'est aussi une institution sociale. (...)
Grâce à Nicolas Sarkozy, la France est en pointe dans le combat contre l'homophobie. (...)
La France est le deuxième pays contributeur à Unitaid : un milliard d'euros par an contre le SIDA. [la foule scande "Égalité !" en chœur] (...)
Nicolas Sarkozy propose une cérémonie en mairie pour le PACS et que cette cérémonie soit de droit, et ça c'est une avancée. (...)
Je continue à défendre l'idée, coûte que coûte, malgré le fait que c'est parfois difficile, et parce que j'en suis intimement persuadé, que Nicolas Sarkozy est un homme de dialogue et un homme de respect. [huées]
Note : après ses propos homophobes réitérés depuis 2004, l'UMP n'a jamais exclu Christian Vanneste, malgré ce qu'affirme Geoffroy Didier. De même ce n'est pas un milliard d'euros mais 470 millions d'euros qui sont donnés à Unitaid, selon le représentant de Sidaction présent ce soir-là.
Les Verts : Eva Joly, candidate à la présidence
Je présenterais dans le premier conseil des ministres le projet de loi qui donnerait l'égalité des droits aux LGBT : accès au mariage aux personnes de même sexe, et accès à l'adoption. [applaudissements]
Mon rêve ça serait que pour la prochaine marche des fiertés, ce texte soit en cours de discussion au parlement.
(...) Une fois qu'on a ouvert le mariage, tous les droits qui découlent du mariage sont ouverts : l'adoption simple ou plénière, la procréation médicalement assistée, et le fait que le conjoint devient l'autre parent. J'ai envie que cela ne soit plus un problème, que cela soit très facile. (...)
Pour la multi-parentalité le projet n'est pas encore dans la société, je pense que cela est un peu tôt. Abandonner la filiation biologique est un pas et qu'il faut y aller progressivement. Ce débat doit avoir lieu et nous devons le rapprocher des familles recomposées. (...)
Changer de sexe doit être plus simple : que cela soit dé-psychiatrisé. Que cela passe par l'institution judiciaire, mais dé-psychiatrisé. (...)
La directive ACTA actuellement en préparation au parlement européen rendra l'accès aux médicaments génériques très difficile. Je refuse cette directive, où les droits de propriété intellectuelle prévalent sur le partage et sur les soins.
Front de Gauche : Jean-Luc Mélenchon, candidat à la présidence
Vous savez qu'il y a quelque chose d'assez vulgaire et grossier dans les institutions de la cinquième république c'est de tout ramener à une personne, donc d'une certaine manière le mieux que vous puissiez faire c'est de constater quelle est la qualité de ma formation qui résulte des travaux de la commission LGBT du Front de Gauche et des partis qui le constituent.
J'ai pensé que le plus subtil c'était de commencer peut-être — ne vous inquiétez pas je n'échapperais pas aux précisions — de parler un instant au moins de philosophie, parce que après on a un fil conducteur et moi ça m'aide à savoir comment je vous réponds. [rires dans la foule]
Donc le point de départ le voilà. C'est la seule manière pour manière pour vous et pour moi-même de penser. Sinon... Sinon quoi ? Je suis un mâle méditerranéen classique... voilà quoi.
Comment moi j'ai commencé à réfléchir ? Parce que à chaque fois je croyais avoir trouvé une réponse mais je m'apercevais qu'il y en avait toujours une autre qui venait derrière : l'adoption, etc.
Maintenant quel est le fil conducteur ? Au fond pour l'universaliste que je suis, l'angle le plus intéressant d'entrée dans la réflexion c'est par le trans-genre. C'est parce que c'est à ce moment que cesse l'assignation à une identité. Non seulement pour ceux qui doivent passer la frontière, un archétype qui constitue en soit la frontière. Mais aussi pour celui qui essaye d'y réfléchir parce qu'il réfléchit à ses frères et sœurs dans l'humanité. Et là, tout d'un coup, apparaît avec une force aveuglante, que même ça, ça ne décrit pas un être humain. Même son assignation sexuelle, son assignation genrée, ce n'est pas cela l'humain. Ce qui est l'humain, sous cet angle, c'est son identité universelle. Quelque chose qui est encore plus loin que toutes les apparences. On est habitués à cette idée d'aller au delà des apparences. Parce que quand on dis les personnes humaines naissent égales et demeurent égales en droit, on est déjà habitués que contre toute évidence nous sommes égaux. Alors qu'il y a des grands, des petits, des gros, des maigres, des hommes, des femmes... On sait bien que c'est un effort de raison. C'est par la raison que nous comprenons que nous sommes égaux. Et quand on réfléchit à partir du thème du trans-genre, on accède d'une manière absolument brûlante à cette idée que l'identité fondamentale d'un être humain est une identité universelle, et que tout le reste est accidentel. Que ce qui est essentiel, c'est cette universalité.
Donc une fois qu'on a posé ça, on est dans le même ordre de déduction que dans le thème de la laïcité qui postule que toutes les personnes sont égales en droit. Donc on débouche directement sur l'exigence d'une absolue égalité en droit. Et on la fonde philosophiquement, elle ne résulte pas simplement d'une protestation, ou d'une négociation avec un groupe ou une communauté, qui serait la négation du républicanisme qui m'anime. Donc à partir de là tout devient simple.
D'abord on commence par se débarrasser d'une dimension qui est obsédante, qui est l'exigence qu'on peut avoir de dé-psychiatrisation, dé-pathologisation, dé-judiciarisation... C'est là qu'on croit être bienveillant et en réalité on est offensant comme jamais. Et on doit ensuite bien comprendre que si toute assignation résulte d'un accident au sens philosophique, de la circonstance... quel est l'adversaire ? On a donc un archétype qui est là derrière, qu'on ne voit pas, et qui est le même qui ressurgit quand on raisonne sur les questions du féminisme ou sur les autres questions, c'est le patriarcat. [applaudissements] Le patriarcat est la structure culturelle invisible de l'ensemble de notre centre de réflexion. Donc tout processus doit apprendre à discerner qu'il se fait peut-être dans le sens que lui a enseigné le patriarcat mais peut-être pas. Il ne peut pas le faire s'il ne le sait pas. Donc là c'est le savoir qui va nous libérer. Alors après l'égalité des droits ça c'est fastoche. Et le mariage républicain puisque vous voilà tous entichés d'un nuptialisme que je trouve... (...)
La nuit du 4 août 2012 nous reprendrons le mécanisme d'abolition des privilèges de celle du 4 août 1789 [référence à l'abolition des privilèges genrés/sexués]. (...)
Je suis partisan que le partenariat civil soit ouvert à qui que ce soit. (...) On devrait faire en sorte de créer des droits pour toute personne, quelle que soit la nature du lien affectif qu'elle construit. Qui peut ne pas forcément être un lien de couple. On devrait étendre cette liberté à deux personnes qui ont assez d'amour l'une pour l'autre, que ça soit de l'amour fraternel ou quelque forme d'amour que l'on veut pour partager une vie et un bout de destin en commun, et bien la société devrait l'aider, et même l'encourager, et trouver que c'est bien et prendre les mesures qu'il faut pour protéger. (...)